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Daytona, USA - 15 Janvier 2021 - Test ARCA

Quand j'ai roulé à Warneton en 2017, j'ai développé dans le cockpit de la voiture une certaine forme de claustrophobie dont j'ai certainement hérité de ma grand-mère, qui a horreur des espaces réduits... Dans mon cas, c'est une phobie plutôt embarassante puisque je passe la majorité de mon temps dans un espace confiné, dans une cagoule enfouie dans un casque, attaché à un système HANS fixé sur le siège d'un cockpit étroit fermé par un filet de protection qui doit être enlevé pour pouvoir respirer l'air frai du circuit...

Cette claustrophobie a atteint son pic lors d’une crise d’angoisse après une course, lorsque mes freins ont pris feu et que j’ai cru être perdu dans les flammes qui commençaient à faire chauffer le cockpit… Heureusement, j’ai toujours préféré la chaleur au froid, en bon sudiste. J’ai pu me débarrasser de cette phobie problématique grâce à des séances d’hypnose et j’ai pu mesurer leur effet lors de mes premières secondes dans le cockpit d’une voiture d’ARCA à Daytona. Le siège XS hérité de Leilani Munter entoure mon buste, mes jambes et ma tête et serre mes épaules… La chaleur dans le cockpit est étouffante et je dois rassembler toute ma volonté pour ne pas paniquer. Dans ma tête passe un film des 10 dernières années, depuis mes débuts en karting et les efforts de mes parents, les sacrifices financiers et le temps passé sur les circuits jusqu’à ce voyage aux Etats-Unis… tout ça pour avoir peur? Si je suis à Daytona, dans une voiture d’ARCA, c’est pour franchir une nouvelle étape sur la route qui doit me mener à mon rêve, alors ce n’est pas le moment d’avoir peur, mais c’est le moment d’apprécier.

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Une fois le moteur allumée et la case “peur” éteinte, il n’y a plus que 5 choses. La voiture, la piste, le spotter, le crew chief (Mr. Hillenburg) et moi. 

Plutôt prudent lors de la sortie des stands, c’est un grand saut dans l’inconnu quand il s’agit de passer de l’autre côté de la ligne jaune, sur la piste. C’est Daytona, on ne freine pas, on ne lève pas le pied, jamais. On accélère, tout le temps. Et on n’oublie pas de tourner le volant. Au bout de la ligne droite arrière, longue de plus d’un kilomètre, se dresse un mur qui fait office de virage incliné à 31°. La voiture ne semble jamais s'arrêter d’accélérer… Elle va toujours plus vite, et quand on arrive sur le mur qui fait office de virage incliné à 31°, elle tourne presque toute seule. La pression se fait ressentir sur les épaules, au sens littéral du terme, et l’habitacle tremble à tel point que la vision se brouille et que l’on arrive pas à distinguer où l’on se trouve sur la piste et combien de mètres nous séparent du mur ou de la partie plate qu’il ne faut surtout pas toucher, au risque d’énerver la suspension… Enerver une suspension à plus de 270km/h est une mauvaise idée. La sortie du virage, c’est la descente d’une montagne russe. Le banking disparait et la voiture n’a plus d’inclinaison sur laquelle s’appuyer… on est projeté sur le mur si on manque d’attention! Passage dans le tri-oval, devant les gradins qui s’élèvent à perte de vue et sur la ligne d’arrivée… La vitesse de croisière est bientôt atteinte. Aucun problème à l’horizon!

Le 2ème soucis, c’est à la 3ème session car après avoir pris mes marques en milieu de piste, essayé de me rapprocher de la partie plate dans une trajectoire à l'intérieur plus optimisée, l’équipe me demande d’accélérer le rythme… 

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...

Difficile d’accélérer quand on est déjà à fond mais là est tout l’intérêt d’avoir travaillé sur les bases dans les 2 premières sessions, car on peut alors approfondir… et pour aller plus vite, il faut prendre de l’élan. Pour prendre de l’élan, la distance entre la voiture et le mur ne se compte plus en mètres, mais en centimètres… ou en pouce, question d’unité et de nationalité. Rouler sur la trajectoire extérieure, les 4 roues au-delà des marqueurs blancs permet d’utiliser le banking comme rampe de lancement en sortie de virage, et gagner quelques précieux miles par heure qui se transforment en quelques centièmes au chronomètre… C’est toujours ça de gagné!

 

Première tentative. Une grande inspiration  s'impose quelques secondes avant d’entrer dans le virage, collé au mur… Je ne regarde pas le SAFER Wall. Je le colle, je le sens, je m’en méfie, me rappelant que la trajectoire extérieure est une partie à risque qui peut me surprendre.

 

Temps amélioré… Contrat rempli auprès de l’équipe… Une voiture freinant au milieu de la piste en sortie du virage 2 m’obligera à abandonner ma 2ème tentative de "tour qualif"…

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Une nouveauté pour moi se trouve sur le volant. C’est un petit bouton rouge qui me permet de parler à mon équipe… Plutôt habitué à écouter, je trouve l’expérience de parler en conduisant intéressante, même si je préfère rester concentré sur mon pilotage.... Mr Hillenburg teste mes réactions avec plusieurs questions pièges concernant les températures et pressions d’eau et d’huile que je peux lire sur la dash qui fait office de tableau de bord... et plusieurs réponses me viennent en français. J’attendrai la sortie du virage pour répondre en anglais!

 

Une petite pointe de vitesse à 282 km/h. Ça reste confortable et au fil des tours, je trouve mes marques et petit à petit, des solutions à mes soucis. Regarder loin pour prendre ses repères, être attentif aux mouvements sur le volant pour prévoir les réactions de la voiture sous-vireuse en sortie de virage et petit à petit, le corps s’habitue à la vitesse. Le tout est de rester pro-actif au volant, de ne pas subir un circuit où l’on reste à fond comme sur l’autoroute… sans régulateur de vitesse.

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3ème tentative avec une surprise à la clé. Après avoir passé près de 3 tours sur la trajectoire extérieure pour gagner du "momentum", mon coeur rate un coup quand le moteur se met à bégayer à l’approche d’un virage. Un rapide coup d’oeil sur le dash m’indique que la pression d’essence est à 0… Panne d’essence suite à une erreur de calcul de la part de l’équipe… Je ne leur en veux pas, parce qu’en tant qu’étudiant en économétrie, les erreurs de calcul, je sais ce que c’est. Malgré tout, cette manoeuvre me force à rentrer au stand, et me coupe dans mon élan. Il me faudra ressortir sur la piste pour une 4ème tentative et recommencer 3 longs tours pour gagner en vitesse. 

Bilan de la 4ème tentative: j’améliore encore un peu mon chrono. J’aurais donc progressé jusqu’au bout et obtenu le deuxième meilleur temps au tour parmi les 16 pilotes qui auront effectué des essais avec la “Fast Track Racing”, ce qui en soi ne veut pas dire grand-chose compte tenu que les conditions sont variables, mais c’est une satisfaction. Je suis lent par rapport au meilleur temps des essais mais comment effectuer une comparaison quand je n’ai pas pu bénéficier du draft si important à Daytona?

Les retours de l’équipe et leur fierté sont la récompense. Une discussion avec l’ingénieur autour d’un écran d’ordinateur m’indiquera que ma qualité principale est de ne pas effectuer de mouvements superflus sur la direction en ligne droite et dans les virages, ce qui aurait pour effet de mettre les pneus en friction avec la piste et cela se traduit par une contrainte aérodynamique supplémentaire sur la voiture qui va donc moins vite…

La condition pour obtenir l’approbation de l’ARCA pour courir sur superspeedway était de ne pas faire parler de soi et le « comment » de Mr. Joe Wells quand j’annonce mon nom au téléphone est bon signe.

L'objectif est rempli, la marge de progression existe. Elle n’a d’égale que l’envie… et laisse place à de la frustration car c’est déjà fini. J’ai commencé un gâteau, j’ai mangé une petite part et j’ai encore faim. Pour couronner le tout, le gâteau est toujours là mais je n’ai pas droit de me resservir... Effectivement, les essais continuent pour d’autres pilotes, et les heures suivantes passées sur la piste sont pour moi difficiles. La seule chose qui m’apaisera sera de quitter la piste et m’éloigner le plus loin possible... L’ambiguïté de ma passion pour le sport auto se traduit ici… mais j’y vois surtout l’illustration de ma passion pour le pilotage et c’est une nuance importante. 

Plus tard, je réalise que j’ai roulé à Daytona et que je n’ai pas failli. C’est une chance que je n’ai pas manqué d’apprécier sur le moment. Presque trop, à tel point que le retour à la réalité fut difficile. Pour honorer cette chance qui m’a été donnée, mon travail sera désormais psychologique et l’objectif sera de rendre cette frustration productive, pour qu’elle devienne mon carburant pour éviter la “peur du lendemain” que je vais vous raconter dans le troisième et dernier épisode… bientôt!

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